30 ans, 60 séries – épisode 1/6: 1990/1995

Ce qui va suivre pendant les prochains jours ne doit, en aucun cas, être considéré comme une forme de top 60 de toutes les meilleures séries du monde. J’ai vu beaucoup de séries dans ma vie mais je n’ai pas tout vu. C’est impossible, quand bien même on appliquerait la meilleure des volontés possible; ce qui pourra expliquer, dans une relative mesure, l’absence de fictions que vous auriez aimé trouver dans ce tour télévisuel.

On a beaucoup dit d’Angela, 15 ans qu’elle était le meilleur teen drama que la télévision ait jamais produit. Il est bien possible que ce soit le cas, vues la justesse et la subtilité dont Winnie Holzman a su faire preuve pour détourner les conventions du soap et, ainsi, peaufiner la profondeur de ses personnages. C’est oublier la force contenue dans le titre original, My So-called life, qui s’applique quasiment à la quasi totalité des protagonistes cohabitant dans cette très jolie série. Ce n’est pas l’âge de ces derniers qui prime mais la manière -plus ou moins hasardeuse il faut le reconnaître- avec laquelle on cherche notre place. Le doute, la désillusion, les joies, la famille, l’amitié, le désir…Tout ce qui touche de près ou de loin à la sensibilité des êtres -adultes et adolescents confondus- est évoquée à la perfection dans cette chronique douce-amère sur le passage du temps, les rêves que l’on doit abandonner afin d’avoir la maturité nécessaire pour aller de l’avant. Le temps, précisément, n’a pas été alloué à cette magnifique série puisque, faute d’audience jugée suffisante, Angela, 15 ans fut annulée au bout de dix-neuf épisodes, laissant à la fois les spectateurs sur un acmé romantique et sur un terrible constat. En ce qui concerne les filles, le monde des garçons se divise en deux catégories: les Jordan et les Brian.

Batman: la série animée  (Fox, 1992/1995- 4 saisons, 85 épisodes)

Impulsée par le triomphe commercial écrasant du film de Tim Burton (1989), Batman: la série animée s’est évertuée pendant quatre saisons à faire le lien entre la renaissance cinématographique du vengeur masqué et le comics d’origine. Dotée d’enquêtes isolées et d’intrigues pensées à la fois pour les enfants (le cœur de cible) et leurs parents, la série d’animation s’est progressivement émancipée de son statut de vecteur potentiel d’achats de jouets et autres figurines et a participé, avec grand soin et réussite, à l’écriture de la mythologie développée par Bob Kane et Bill Finger.

J’adorais sa noirceur, l’inventivité de tous ces méchants qu’on nous exposait chaque semaine (même si j’avais une préférence pour le Joker avec la voix -en VF- de Doc Brown) et la parfaite synthèse que proposait le générique sur le Chevalier Noir. Curieusement, sans doute par peur d’y voir une partie de mon enfance égratignée, j’ai mis beaucoup de temps à la revoir. Rassurez-vous : son générique dépote toujours autant, elle vieillit bien, bref Batman conserve toujours sa classe nocturne.

Bienvenue en Alaska (CBS, 1990/1995- 6 saisons, 115 épisodes)

Multi-récompensée outre-Atlantique, voici une série fortement, et injustement, méconnue chez nous que les plus heureux auront probablement découvert sur Série Club, un soir de zapping fortuné. Il est d’ailleurs assez incompréhensible que Bienvenue en Alaska ait été à ce point boudée par les grandes chaines tant elle collecte tous les points qui feront, plus tard, les succès de séries comme Urgences ou, dans une moindre mesure, Everwood (laquelle, avec ce médecin qui part pour l’inconnu isolé, connait un point de départ narratif quasiment similaire): un décor fixe, des personnages forts, profonds et attachants, une bande son d’un éclectisme délectable, et un don rare pour marier la comédie et le drame.

Petite merveille de sentiments, précieuse leçon existentielle, la série développée par Joshua Brand et John Falsey (cadors de la télévision US, à pied d’œuvre sur des bijoux tels que Les Ailes du Destin ou The Americans ) fait partie de ces œuvres thérapeutiques où l’on s’amourache facilement d’une communauté et qui vous rappellent, sans pudibonderie, pourquoi la vie vaut la peine d’être vécue.

The Flash (CBS, 1990- 1 saison, 22 épisodes)

Avant d’être Mitch Leery, le gentil papa bodybuildé de Dawson dans la série éponyme, John Wesley Shipp usa avant tout de sa carrure pour incarner Flash dans une adaptation du célèbre DC Comics.

A l’époque, CBS et la Warner surfaient sur le triomphe commercial du Batman de Tim Burton et pensaient sans doute réitérer l’exploit sur le petit écran; pour des raisons de budget, la série ne dépassa pas le stade de la première saison. Pas stupide pour un sou, ils confièrent même la partition du générique à Danny Elfman. Si elle a fatalement subi les outrages du temps (ah ce fameux costume rouge en mousse seyant), le résultat se situe toujours dans un esprit bon enfant, à mi-chemin entre le procedural drama et la comédie d’aventures. Aujourd’hui, je garde d’elle un souvenir sympathique, presque ému, probablement parce qu’entre chaque épisode est née la vocation furieuse de vouloir courir et de sentir super-héros…

Friends (NBC, 1994/2004 – 10 saisons, 236 épisodes)

Imparable machine au tempo démentiel et à la cadence comique rythmée à la perfection, fournisseur de vannes et de punchlines impayables, superbe exemple d’une alchimie télévisuelle hors du commun entre six acteurs au talent monstrueux En dix saisons, la série de Marta Kaufman, David Crane et Kevin S. Bright a pris le temps de divertir, de faire rire, de trainer en longueur, de tirer une histoire d’amour entre deux homards plus que de raison mais de grandir également et d’alterner, entre deux rires enregistrés, des scènes d’une gravité surprenante.

Conventionnelle pour certains, transgressive pour d’autres, Friends demeure à la sitcom ce que les Beatles sont à la pop musique: un monument indéboulonnable vers lequel on finit toujours par revenir.

Homicide (NBC, 1993/1999 – 7 saisons, 122 épisodes)

Grâce à Génération Séries, précieuse et regrettée source papier d’innombrables trésors télévisuels, j’ai d’abord regardé Homicide avant de découvrir NYPD Blue. Ce qui fait que, même si j’ai suivi les trois-quatres premières saisons des aventures de Sipowicz avec un réel intérêt, je n’ai jamais réussi à avoir la même empathie envers les flics du 15ème district que pour ceux de Baltimore, ville totalement paupérisée par le crime, le chômage, la drogue et tout ce que la misère humaine peut contenir de néfaste.

Relativement jeune au moment de cette immersion, bien avant celle de The Wire, Homicide me fascinait parce qu’elle ne jouait pas la carte du sensationnel. Ni celle du rebondissement pour le rebondissement. On voyait très peu les personnages en dehors de leur sphère professionnelle, on savait peu de choses de leur intimité ou de leurs vies sentimentales et cela leur conférait une sorte d’aura de mystère assez remarquable. Étonnamment, il y avait beaucoup de routine, de paperasse, d’attente entre deux enquêtes et, surtout, énormément d’échanges; que ce soit entre collègues ou présumés criminels. Mais c’était passionnant. Il aura tout de même fallu attendre la fin de la série, aux alentours de la saison 5, pour que les producteurs cèdent aux demandes de la chaine en accueillant « de belles gueules » afin de booster les audiences. Histoire de policer un casting (et un show) qui ne cherchait pas la concession.

On pourra, en attendant de (re)voir ce chef-d’œuvre atterrir enfin sur l’une des multiples plateformes de streaming existantes, se délecter de la partition de l’immense Andre Braugher dans l’imparable Brooklyn Nine Nine

Parker Lewis ne perd jamais (Fox, 1990/1993 – 3 saisons, 73 épisodes)

Voilà une série dont le passage au Club Dorothée a quelque peu terni la réputation initiale. Il est d’ailleurs fort possible que TF1 ait acheté ce show sans le regarder, pensant vraisemblablement y trouver une cousine lointaine de Beverly Hills.

Loin d’être idiote ou pleine de clichés sur le milieu lycéen, Parker Lewis ne perd jamais est une comédie complètement à part, totalement imprévisible, foncièrement dingue et génialement loufoque. Tous les personnages, surtout ceux en dehors du trio principal (Madame Musso, Frank Lemer, Larry Kubiak…) sont des trouvailles de scénaristes aux ressorts surprenants et possèdent une avalanche de moments de gloire. Fuyant le réalisme pour venir s’aventurer sur le terrain du cartoon, la série de Clyde Philips (futur géniteur de Dexter) mérite amplement d’être redécouverte tant elle demeure, ni plus ni moins, l’annonciatrice de Scrubs, Malcolm ou Community, d’autres grandes comédies américaines contemporaines.

Twin Peaks (ABC, 1990/1991- 2 saisons, 30 épisodes)

Mais évidemment Twin Peaks. Bien sûr Twin Peaks, et cela pour plusieurs raisons.

Pour son ambiance, littéralement extraordinaire, qui vous convainc que votre cauchemar le plus absurde ressemble à un soap mâtiné d’une intrigue policière franchement sordide (spoiler: elle l’est). Pour l’agent Dale Cooper ensuite, ses monologues faussement existentiels et sa gourmandise légendaire.
Pour avoir réussi à rendre crédible, tangible, palpable et viscéralement proche une ville aux habitants farfelues et inquiétants.
Pour avoir été la matrice de nombreuses séries postérieures, grandes ou mauvaises d’ailleurs, que ce soit Les Soprano, Desperate Housewives ou Wayward Pines.

Malgré sa qualité inégale et son existence en dents de scie, les années n’ont pas altéré son pouvoir de fascination. La preuve, on a tous retenu quelque chose de la série de David Lynch et Mark Frost.

Urgences (NBC, 1994/2009 – 15 saisons, 331 épisodes)

On a déjà énormément disserté sur ce qui n’est pas loin d’être, à mes yeux, la plus grande série des années 90. Certes, elle n’a que trop duré (on ne passe pas quinze saisons à l’antenne sans perdre ses plumes) mais Urgences est exemplaire à tellement de titres qu’il serait pernicieux de l’égratigner pour sa longévité.

Visuellement, avec ses plan-séquences hors du commun, elle est prodigieuse. Pas incroyable, non, mais prodigieuse. En terme d’écriture, a fortiori dans ses premières saisons, elle est d’une finesse rare, alliant les bluettes sentimentales, les soubresauts professionnels, les instants volés (douloureux, hilarants ou cruels) avec un regard sur la virulence du monde que peut de séries de network actuelles ont su s’autoriser. Et puis, à chaque fois que j’ai commencé un nouveau travail, j’ai toujours pensé à John Carter et à sa blouse blanche sur mesure. Cela m’encourageait.

La vie à cinq (Fox, 1994/2000 – 6 saisons, 141 épisodes)

Lorsque l’on me demandait si j’avais regardé le dernier épisode de Beverly Hills, je répondais, sans fausse pédanterie, par la négative. J’ai bien du voir un ou deux épisodes pour me faire une idée (comme Alerte à Malibu d’ailleurs) mais je ne me reconnaissais pas du tout dans Brandon, Brenda, Kelly, et tous ces personnages aux prénoms qui me donnaient plus envie de rire que de rester devant mon écran. En revanche, pour rien au monde je n’aurais manqué une occasion de retourner à San Francisco dans la demeure des Salinger. Plus modestes. Plus réalistes. Plus humains. Plus littéraires (forcément, avec un tel patronyme).

Évidemment, j’ai craqué pour Neve Campbell. Évidemment, Matthew Fox fut le grand frère que je n’ai jamais eu. Bien sûr qu’il y eut des épisodes volontairement tire-larmes et qu’elle a probablement forcé sur la corde lacrymale tout au long de son existence. Mais quel casting ! Quelle conviction dans l’interprétation et quelle aisance avec le traitement du deuil, de la maladie, de l’addiction ou de la violence domestique. Et quel générique aussi…

The X-Files (Fox, 1993/2018- 11 saisons, 218 épisodes)

Avant d’être une série fantastique/policière/dramatique/romantique-et-aussi comique, The X-Files est la preuve par deux que les contraires s’attirent pour résulter du meilleur.

Personnellement, je regardais d’abord The X-Files pour son duo phare; aussi savoureux soient-ils, l’ambiance moite et nocturne, les trouvailles à la Quatrième Dimension, les gimmicks visuels et toute la mythologie conspirationniste passaient au second plan. Ce qui m’attirait en premier, c’était ce que Scully apportait à Mulder et réciproquement: une exigence relationnelle suprême doublée de la plus tacite des affections. L’amour platonique de Mulder et Scully prodiguait la même alchimie et le même charme qu’un John Steed et une Emma Peel. Ils étaient égaux, ne s’appelaient jamais par leur prénom mais leur différence de foi se complétait à merveille. L’un ne pouvait exister sans l’autre et inversement.

Comme beaucoup de shows qui dépasse les cinq/six années d’existence, elle a peiné à se renouveler avant de sombrer, au cours de sa dernière époque, dans un mysticisme balourd et sans finesse. Elle n’en demeure pas moins essentielle dans mon parcours de spectateur puisqu’elle fut ma première obsession télévisuelle. Et, j’aime à le croire, celle de beaucoup d’autres aussi.

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