Batman: Killing Joke – C’est l’histoire de deux mecs dans un asile de fous

C’est une histoire qui commence par la fin. A moins qu’elle n’en soit soit le début d’une autre. Ou l’inverse, une fois de plus. Encore.

46 pages donc, qui peuvent se lire à l’infini sans jamais que la lassitude ne se fasse sentir. C’est l’apanage des grands récits que de savourer une fois supplémentaire, quand bien même on en connait l’issue, tout en y recherchant avec attention les différentes subtilités qui les caractérisent. Mais si l’issue de Killing Joke a beaucoup contribué à sa légende, et à son caractère unique tant la chute y est volontairement, arbitrairement, magistralement ambiguë, il serait dommage de ne limiter l’intérêt de sa lecture qu’à ses toutes dernières planches. Certes, celui qui a déjà lu Killing Joke ne peut qu’avoir été marqué par cette incroyable fin, et de vouloir retrouver, en le relisant, cet effet choc qui fut de la découvrir la première fois. Mais le récit pensé par Alan Moore et illustré par Brian Bolland est tellement, tellement brillant dans sa manière de se dérouler qu’in fine, il demeure davantage qu’une aventure de Batman qui, disons, occuperait une place à part au même titre que Year One, Un long Halloween ou Amère victoire, ou encore tout le run de Scott Snyder.

J’ai démontré que je suis comme tout le monde! Qu’il suffit d’une journée pour rendre marteau le plus équilibré des hommes. C’est tout ce qui me sépare d’autrui. Une seule mauvaise journée.
Le Joker

Tel procédé de narration n’est pas une révolution, encore moins dans la façon dont Moore charpente ses récits (Watchmen utilisant déjà la superposition des cases pour basculer d’une timeline à une autre). Sauf qu’ici, la dimension fantaisiste – et donc de distance – que l’on pourrait avoir, lecteur, avec un monde où l’on se déguise en justicier et où l’on se grime pour y nuire, est raccroché au passé d’une forme de réalisme et de familiarité. Proche de nous. Dans ce passé, le Joker n’est pas le criminel notoire que l’on sait mais un comique raté, pas bien méchant mais peu finaud, qui persévère pour subvenir aux besoins de sa famille. Or, c’est bien connu: l’Enfer est pavé des meilleures intentions qui soient. Et le gris et blanc utilisé dans ces flashbacks ne font qu’accentuer la misère et la précarité qui constituent les deux piliers d’un homme qui, ironiquement, renaitra sous des cendres pourpres et bariolées.

Un tel choix ne s’était jamais lu. On peut ne pas vouloir l’accepter et préférer – ce que fera Christopher Nolan deux décennies plus tard – le halo de mystère entourant ce personnage fascinant et inquiétant. Il n’empêche que ce récit à l’intérieur du récit est ce qui fait toute l’intelligence de l’ensemble. Car cette « blague qui tue » n’est pas drôle en soi; c’est même l’une de ces blagues que l’on pourrait sortir dans une cours de récréation de cours élémentaire. Mais, en humour comme en suspense, le contenu n’a d’importance que lorsqu’il est déballé au bon timing. À la fin donc. En abaissant la garde de Batman par le rire, le Joker rend-il les armes ou bien a-t-il recours à un stratège plus sournois, plus pernicieux ?

Face à ces deux larrons qui ne font que combattre depuis la Nuit des Temps, proposer une possible réponse à ce qui se passe hors champ, c’est quasiment proposer sa propre vision de l’Humanité.

Killing Joke (Urban Comics, USA, 1988)
Scénario: Alan Moore. Dessins: Brian Bolland.

Chef d’oeuvre disponible dans toutes vos bonnes librairies.
Pluzdinfo sur le site officiel d’Urban Comics qui se trouve juste ici.

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