Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine, George Lucas n’avait pas encore vendu sa société de production à Disney et tentait, plus mal que bien, de renouer avec sa grandeur passée en finançant des projets qui n’avaient rien en commun. Flashback donc.

Nous sommes dans les années 80 : tandis que son frère d’arme Steven Spielberg parvient à imposer un label esthétique et artistique avec ses productions Amblin, Lucas, lui, cherche un nouveau souffle. Celui qui n’a rien tourné depuis l’épisode IV de Star Wars se lance également dans la production – souvent avec Spielberg pour lui tenir la main- avec plus ou moins de heurts. Outre sa saga de cœur (sur laquelle il veille précieusement) et celle, immensément populaire, d’Indiana Jones, les productions de Lucas semblent être décidées sur un coup de tête ou pour donner un coup de pouce ; Lucas apposant son nom à des œuvres aussi différentes que Kagemusha (Akira Kurosawa), Tucker (Francis Ford Coppola) ou Le Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles (Don Bluth). Là où Spielberg continue quelque part de tisser une œuvre populaire (Gremlins, Les Goonies, Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit, L’aventure intérieure) et de marquer la rétine de toute une génération (coucou les Animaniacs), Lucas tâtonne, revient sur Star Wars le temps d’une poignée de téléfilms sur les Ewoks avant d’échouer en beauté en adaptant Howard the Duck.
Lucas décide alors de revenir à ce qu’il sait raconter de mieux. Comme de par hasard, et pour la beauté de placer son anecdote en société, il ressort de sa boite à idées un projet antérieur à Star Wars qui joue sur les mêmes thématiques. Alors que Disney trois ans plus tôt tente de conquérir avec Taram et le Chaudron Magique un public plus adulte sur le terrain de la fantasy, Lucas propose un récit d’une conquête. D’une reconquête. Willow, c’est David contre Goliath qui rencontre Tolkien. La Résistance contre l’Empire. C’est, littéralement, la victoire des petits sur les grands. Sauf que, cette fois, le terrain de jeu n’est plus l’espace mais un Royaume peuplé de Daikinis, de Pecs, de Trolls, de dragons, de fées et de reines maléfiques. Bref, toute la panoplie du genre. Toujours à deux doigts de l’hypocrisie involontaire, Lucas va faire en sorte que son film soit un carton qui coche toutes les cases : le bonhomme embauche Ron Howard (auréolé du succès de Cocoon) pour réaliser le film, Val Kilmer (auréolé du succès de Top Gun) et pioche Warwick Davis (auréolé du succès de…Les Ewoks) pour le rôle titre. Histoire d’enrober bien les choses, c’est James Horner, compositeur phare de l’époque, qui se collera à la partition.
Point d’orgue d’une décennie habitée par les multiples suites en chantier de franchises testostéronées (Rocky, Rambo, L’Arme Fatale, Aigle de Fer), culte pour toute une génération, Willow sort donc en 1988. Récit de fantasy, comédie médiévale, conte burlesque et littéralement magique, Willow est un film hybride qui emprunte à tout va dans le folklore de notre imaginaire de gosses mais qui ne cesse, visionnage après visionnage, d’être apprécié pour son caractère unique, précieux, bienveillant. Là où il rayonne proprement, et véritablement, c’est dans ses scènes majoritairement comiques. Que ce soit Madmartigan avec Willow, Madmartigan avec Sorsha ou les scènes avec les Brownies, variation rigolote des Lilliputiens, le film est un buddy movie qui se réinvente en temps réel sous un décor de contes. On n’est ni dans la parodie (propre à l’humour de Princess Bride sorti une année plus tôt) ni dans l’hommage mais dans une comédie d’aventures qui s’assume avec panache et qui, au fil du temps, ne prendra pas une ride en raison de tout cela. D’ailleurs, on remarquera que le film use de peu d’artifices ; si l’on se prend de sympathie pour la totalité des personnages, Willow est un festival de galéjades et de punchlines.
Alors que Lucas avait coché toutes les cases pour que sa production cartonne au box-office, Willow trouvera véritablement sa place en dehors des salles obscures ; le film dirigé par Ron Howard se frayant une vraie place dans le cœur des enfants en devenant l’un des champions des soirées VHS et des rediffusions télés sur M6. Ces mêmes enfants devenus grands, qui en parlent encore de nos jours avec émotion et un enthousiasme non dissimulés, et qui n’attendent secrètement qu’une seule chose : pouvoir repartir à Tir Asleen.
Willow (USA, 1988, 126 min). Réalisé par Ron Howard. Avec Warwick Davis, Val Kilmer, Joanne Whalley et Jean Marsh.
Disponible en DVD, bluray et sur Disney Plus.
(c)photos/Lucasfilm/Disney
C’est ta mère qu’était un lézard ❤
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N’oublie pas d’aller me chercher des œufs. Et des racines noires…
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