La nostalgie est un paysage peuplé de fantômes. Et c’est en voyant le quatrième épisode de la série Willow, et en entendant la reprise de Black Hole Sun, que je me suis fait une raison. Et que j’ai été traversé par deux faits d’une évidence pourtant présente dès le pilote. Le premier était, en dépit du constat que la dite série ramait désespérément pour paraître cool – ce que le film original accomplissait sans efforts, j’allais m’efforcer d’aller jusqu’au bout. Malgré que le package soit truffé de clichés, de surlignages inutiles, de second degrés foireux et totalement – et c’est un comble- dénué de merveilleux. La seconde, et de loin la plus problématique, était que Disney, l’usine à rêves d’autrefois, dictateur de l’entertainment d’aujourd’hui, non seulement ne maitrisait guère plus raconter l’art de raconter des histoires mais s’en fichait certainement comme de sa dernière paire de chaussettes mal assortie. En dépit, précisément, de cela. C’est-à-dire d’à peu près tout en matière de production, de narration, de casting, bref de ce qui constitue un divertissement en bonne et due forme.
Ce n’est pas faute d’avoir pourtant sous le coude les plus grandes licences de l’Histoire du cinéma et d’avoiner toutes formes d’écran qui puissent être regardés par l’œil humain. Star Wars, Marvel, Pixar, Indiana Jones…tout ce pan d’univers de cultures pop(ulaires) est un pactole fructifié par une bande de CEO qui se gaussent probablement de voir que ces univers génèrent des milliards de recettes sur la seule base de leur capital confiance. Et que ce pactole est désormais déclinable à l’infini. Qu’importe donc ce que l’on produira aujourd’hui, ou demain, car c’est sur la base d’hier que le futur se conjuguera en dollars. Vous me suivez ? Oui, non ? Quoiqu’il en soit, enchainons.
Il paraîtra sans doute étrange aux jeunes lecteurs venus chercher un peu de chaleur et de lumière en ouvrant par hasard la porte de ce blog, mais, il n’y a pas si longtemps, le concept de franchise n’existait pas. Un film faisait du succès ou non. On ne pensait pas forcément investissement à long terme, y compris dans l’industrie du showbiz. Avant d’être légion sur grand écran, les comics étaient une lecture de niche et conspués par les producteurs, à défaut de pouvoir être parfaitement transposé – technologie oblige- sur pellicule. Et avant que ce soit la météo financière hollywoodienne des années 2010/20, chaque adaptation était un évènement ; évènement qu’Hollywood tentait précisément, hypocritement, d’auteuriser : Sam Raimi, Ang Lee, Tim Burton, Guillermo Del Toro ou Joss Whedon venaient, non sans difficultés ou/et conflits, transposer leurs obsessions artistiques au cœur d’un système basé uniquement sur le merchandising et le nombre de jouets vendus en magasin. Avant d’être l’épopée quasi autobiographique que l’on connaît désormais, Rocky était un scénario pondu par Stallone en moins d’une semaine et vendu quasi à la sauvette, Rambo une adaptation d’un roman anti-militariste sur la difficulté des soldats partis au VietNam à se réinsérer dans la vie civile, Star Wars un projet d’adaptation avorté de Flash Gordon et Indiana Jones une récréation offerte à Steven Spielberg comme une série B, dans le seul but de redorer son blason auprès des producteurs, après l’échec commercial de 1941. Hasard du calendrier, les réseaux ont récemment mis en ligne la bande annonce du cinquième volet 5 (?!) du célèbre archéologue au Fedora. Là encore, j’ai réalisé que la perspective de retrouver un personnage culte de mon enfance me procurait davantage d’enthousiasme et de joie que le film en lui-même. Qui, si cela se trouve, sera très bien en tant que tel. Ou…pas. Je me souviens encore de mon enthousiasme à voir l’ombre d’Indy au tout tout début du Royaume de Crâne de Cristal et de me dire « Waow, je vis cela en direct. En vrai, sur grand écran et tout ». Avant vite de retomber de mon siège et d’être sidéré non pas par la fameuse scène du frigo (je vous rappelle que dans Le Temple Maudit, Indy saute d’un avion sur un canoë pneumatique) mais par la laideur de l’ensemble. Et de cette absence, une fois n’est pas coutume, de merveilleux et de fantaisie. C’était ni fait ni à faire. Moche et mal fichu.

Ce n’est pas un réquisitoire frontal contre Disney et la logique capitaliste. On passera donc outre que Disney est une entreprise indécemment obèse à milliards qui possède dorénavant un large pan du cinéma américain, donc mondial, et qui redessine parfois de manière inquiétante la diversité du paysage cinématographique. Ce qu’on n’omettra pas de critiquer en revanche, c’est son exaspérante fainéantise. A part puiser dans un patrimoine que d’autres talents ont mis des décennies à forger et dont le culte s’est fait non pas à grands renforts de marketing (encore que) mais de discussions enflammées à propos d’un détail, de références citées entre deux bières, deux parties de billes ou deux parts de pizzas, d’une citation formulée du coin de la bouche de peur d’être catalogué comme ce qu’il est commun, désormais, d’appeler geek, la firme aux oreilles de souris ne peut/n’arrive même pas, même avec tout le budget qu’elle a dans ses caisses, à décemment recycler ses fonds de tiroirs. A deux trois exceptions près (Andor notamment), il est terrible de constater que même la franchise de la Coccinelle a plus de gueule que cette suite de Willow. Que, oui, je continuerais de regarder. Appelez cela de la faiblesse, de la résignation ou du fatalisme. Mais parce qu’il faut bien qu’entre Disney et moi, quelqu’un soit suffisamment lucide pour avoir du répondant, et parce que j’ai toujours préféré David à Goliath, je préfèrerais y apposer là une modeste forme d’opposition.