Ces séries dont on aura parlé (un peu, beaucoup ou passionnément)

Andor (Disney +, 1 saison, 12 épisodes, USA – 2022, toujours en production)

Alors que l’on n’attendait plus grand-chose d’une énième production sur l’univers Star Wars, et tandis que la firme aux grandes oreilles s’enlise dans une facilité artistique aussi laborieuse qu’irritante, voilà qu’Andor réveille (jeu de mots volontaire) par la petite porte une mythologie sévèrement égratignée au cinéma ces dernières années. Andor prend son temps (ce qu’on lui reprochera sans doute), donne très clairement l’impression de se laisser porter et, pourtant, fascine, séduit puis conquiert même le spectateur le plus réticent et le plus hermétique au carnaval pensé par Lucas. Il faut dire que l’on a jamais vu Star Wars sous cet angle : la résistance est fragile, balbutiante tandis que l’Empire est une machine fascisante, implacable, qui broie les gens par une terrifiante logistique. Déjà à pied d’œuvre via Rogue One, Tony Gilroy remet donc le couvert pour une relecture inspirée de la saga, en privilégiant un ton réaliste, des personnages ambigus (superbe Stellan Skarsgard) et une cinématographie sans fioritures. C’est à peine si le spectateur aura droit à une bataille intersidérale d’une poignée de minutes (excellente au demeurant). Pas de sabres laser donc, pas de Force ni de méchant asthmatique en casque mais, en revanche, beaucoup de classe, d’action sans excès et, et on ne l’attendait plus, une émotion tangible, contagieuse, portée par des acteurs au top. Les épisodes Reckoning ou One way out sont d’ores et déjà des classiques. Bref, comme on dit dans le jargon, un must.

Hello tomorrow (Apple TV, 1 saison, 10 épisodes, USA – 2023, toujours en production)

On oublie de le rappeler régulièrement dans les conversations mondaines mais, dans le paysage saturé du streaming, Apple est loin, très loin de démériter. Tandis que Netflix (voir ci-dessous) multiplie avec plus ou moins de heurs les productions jetables, que Disney rame à recycler ses fonds de tiroirs, Apple soigne la majeure partie de ses créations originales (Ted Lasso, Severance, For all mankind).

Rebelote donc avec Hello tomorrow, série plutôt atypique qui lorgne du côté d’Arthur Miller et de son Mort d’un commis voyageur et fait le choix d’un contexte rétrofuturiste pour dépeindre les tribulations d’un VRP ambigu dont on ne sait si la quête de sens est réelle ou si elle intègre juste son cahier des charges. Très bien entouré (Hank Azaria, Alison Pill mais aussi quelques apparitions d’acteurs que les fans de Deadwood sauront apprécier), Billy Crudup fait des merveilles. On ne sait pas trop où ça va, ça n’entend rien révolutionner mais, et c’est déjà suffisant, raconter une bonne histoire.

Mercredi (Netflix, 1 saison, 8 épisodes, USA – 2022, toujours en production)

Il semblerait, pour être crédité de la réalisation des quatre premiers épisodes, que Tim Burton fut derrière la caméra de la nouvelle série phénomène/sensation de TikTok euh… Netflix. On passera donc sur cette information tant le cinéaste autrefois talentueux de Batman le défi et d’Ed Wood semble avoir fait le strict minimum syndical avant de partir directement vers le catering du show, laissant les acteurs faire le reste du job. Mention très bien donc à Jenny Ortega qui porte haut le rôle titre au cœur d’une production finalement très conventionnelle au regard de la famille iconoclaste (euphémisme) dont elle s’inspire. C’est, de manière générale, le parfait exemple d’un produit Netflix : suffisamment de savoir-faire pour qu’on ait envie d’y revenir mais pas assez de nuances ou de différences d’une création TuDum à une autre tant tout semble sortir du même moule. Ajoutez à cela une copieuse tendance des anciens showrunners de Smallville à piocher sans vergogne dans le folklore pop (Buffy contre les vampires, Harry Potter, Veronica Mars, Scooby Doo) et vous aurez in fine un objet consommation ni déplaisant ni antipathique mais passe-partout, très cadré (un comble pour un personnage précisément hors normes) et donc très anecdotique.

Attention, Jenny Ortega s’est entrainée à ne pas sourire pendant le tournage. (c) Netflix

Reservation Dogs (FX/Hulu, 2 saisons, 18 épisodes, USA – 2021, toujours en production)

Excellente surprise passée complètement inaperçue chez nous, la série développée par Sterlin Harjo et Taika Waititi pour FX ne ressemble absolument à rien de ce qui se produit actuellement. C’est une œuvre à la fois totalement comique, sensible, excentrique, capable d’irruptions poétiques inattendues, et décrivant à merveille le quotidien de cinq ados tuant le temps comme on peut le tuer dans un bled paumé d’Oklahoma; bled qui doit compter trois rues et un pâté de maisons. Rien ne se passe mais tout est possible pour ces Indiens tentant à la fois de renouer avec leurs origines tout en cherchant un moyen de s’en extraire pour, enfin, vivre pleinement. L’ailleurs est un concept, un objectif à atteindre même si celui-ci se trouve à deux kilomètres. A partir du moment où l’on s’occupe tout en réfléchissant à comment foutre le camp, chaque journée est une journée bien remplie. Il y a là une fausse indolence, un amour incommensurable pour le moindre petit rôle, des dialogues parfaitement essaimés, des silences bienvenus, des gueules impayables, des adultes franchement irresponsables et des ados flirtant avec les conneries pour se donner des grands airs. Mine de rien, Reservation Dogs montre une Amérique authentique, ni misérabiliste ni enjolivée, qui doit galérer pour se soigner ou payer les factures mais qui garde la tête haute. Et le droit, le besoin, d’en rire. Reservation Dogs, c’est encore une fois – si besoin était de le rappeler ici- la preuve que FX produit les meilleures séries du monde du moment.

The Last of Us (HBO, 1 saison, 9 épisodes, USA – 2023, toujours en production)

AMC avait son Walking Dead, HBO a désormais The Last of Us. Le dernier gros blockbuster du provider responsable de Six Feet Under, Oz, The Wire et des Soprano semble ici vouloir marcher dans les pas d’un Game of Thrones et garder de fait sa réputation de chaîne incontournable au coeur d’un paysage de plateformes de plus en plus bondé. Déjà aux manettes de l’extraordinaire Chernobyl, Craig Mazin supervise donc cette adaptation du jeu développé par Naughty Dog. Le résultat est d’une efficacité imparable à défaut d’être totalement original. The Last of Us ne lésine pas sur les ingrédients de tout bon bon récit survivaliste qui se respecte (cynisme, personnages faussement détestables, démocratie en berne) et l’un de ses points forts est sans nul doute une production design aux petits oignons. La virée des protagonistes s’effectue au cœur d’un tableau de ruines sans cesse renouvelé, permettant aux « infectés » de produire, à l’occasion, quelques bonds de frayeurs. C’est bien fichu, ça laisse poindre un peu d’émotion ci et là, bref ça promet d’être ce que c’est sur le papier et à l’écran: un bon spectacle. Qui ne se prend guère trop au sérieux qui plus est. A noter que je suis un peu à la bourre sur le show, que je n’ai pu voir que les deux premiers épisodes, et qu’il paraît que la suite est à la hauteur des promesses. Don’t believe the hype comme qui disait mais bon, dans ce cas précis, on peut la believe un peu.

IL M’EN RESTE UN PEU PLUS JE VOUS L’METS QUAND MÊME

The Nevers (HBO, 1 saison, épisodes 1 à 5, USA /annulée)

Londres, fin du XIXème siècle. Un beau jour, un phénomène non identifié survole le ciel de la capitale d’Angleterre et « touche » au hasard des personnes qui se retrouvent avec des dons très spéciaux (entrevoir l’avenir, être atteint de gigantisme, parler diverses langues, refroidir les atomes ou, au contraire, créer du feu) plus ou moins utiles ou contraignants. Tous réunis dans un orphelinat financée par une mécène de la plus haute aristocratie (Olivia Williams, toujours impeccable), les « Touchés » tentent tant bien que mal de s’intégrer à une société qui les considère comme des pestiférées à exploiter si ce n’est des monstres à abattre. Et, si tant est que la majeure partie d’entre eux aient une attitude pacifiste et philanthrope, c’est bel et bien une guerre de classes qui se prépare en catimini. Voilà pour le pitch. Pour le fond et la forme, il va sans dire que la nouvelle création de Joss Whedon s’est donnée les moyens de son ambition en migrant sur HBO qui tente, et c’est tout à fait normal, de se trouver une nouvelle poule aux yeux d’or. Si la chaine à péages n’est pas étrangère au genre du fantastique (on se souvient avec émotion de Carnivàle davantage que Game of Thrones), force est de constater que Whedon n’a pas lésiné sur les multiples sous-intrigues pour donner à sa mythologie suffisamment de biscuits pour nourrir d’éventuelles saisons à venir. Décors foisonnants, dialogues enlevés et pétillants, casting aux petits oignons, personnages hauts en couleurs, récit feuilletonesque à tiroirs multiples, The Nevers est, en cela, un gros joujou steampunk et littéraire. Rien ne manque à cette déclaration d’amour totalement pop. Rien ne manque, ou presque : si Whedon entend clairement dérouler un tapis rouge à la culture pop auquel il est dévoué (Buffy contre les vampires évidemment, mais aussi The Avengers) depuis des décennies, et si The Nevers reste un divertissement de très bonne qualité, deux craintes pointent déjà le bout de leurs nez: 1) après seulement cinq épisodes sur une poignée de douze, on voit poindre ci et là quelques longueurs et confusions qui interrogent quant à la longévité de la série. 2) de fait, maintenant que Whedon a été dégagé pour son comportement pas jojo, la série va-t-elle tenir le cap de ses ambitions sans se reposer entièrement sur son decorum fantastique au détriment de ses personnages ?

WandaVision (Disney +, 1 saison, 9 épisodes, USA)

Cela commence de manière étonnante. Quasiment révolutionnaire dans l’armada titanesque et cinématographique de l’écurie Marvel. WandaVision détonne de prime abord par sa liberté de ton, sa quasi audace pourrait-on dire, au sein d’une franchise tellement populaire, tellement surprotégée de toutes parts tant elle amasse des milliards, qu’il est tout bonnement impossible de vouloir y apposer une quelconque marque d’originalité. Sa relecture des grandes sitcoms de la télévision américaine (I love Lucy, Dick Van Dyke Show, La fête à la maison, Malcolm, Modern Family, j’en passe et des meilleures) dans ses tous premiers épisodes donne à WandaVision un charme dingue au sens littéral du terme : on sent bien que le ver est dans la pomme mais on ne peut s’empêcher de rire, ou de sourire, malgré le malaise perceptible qui s’insinue entre les murs de la jolie banlieue. Cette manière de faire du clin d’œil au spectateur tout en créant chez lui un embarras évident (sur la folie de Wanda) est sans doute l’élément le plus malin, le plus magique et le plus tragique, de cette nouvelle conquête disneyienne dans l’industrie de l’entertainment. Dommage que le lever de rideau sur la supercherie en question ne laisse place aux gros bras balourds du MCU qui, très content de son entrée dans le streaming, fait lourdement de l’appel du pied pour faire l’annonce quant aux futurs films de la marque. Car une fois ceci écarté, la série rentre dans le rang et se contente d’abattre ses cartes sans grande passion. On retiendra malgré tout l’alchimie plus qu’évidente entre Elisabeth Olsen et Paul Bettany, tous deux parfaits jusqu’au bout du costume.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s