The Last of Us – Perdus, seuls, au milieu du monde

C’est une histoire de fin. Celle d’un monde qui n’existe plus et qui tente de raviver les braises d’une existence fort mise à mal. Celle d’une époque qui tombe, peu à peu, dans l’oubli. C’est une histoire qu’on nous a pourtant raconté plusieurs fois. Au coin d’un feu, sous les étoiles, en pleine forêt. Dans de multiples livres, au fil de pages publiées il y a plusieurs décennies et qui remisaient leurs dimensions prophétiques dans un futur qui ne pouvait, chose impensable, être le nôtre. C’est une histoire qu’on a vu également à travers tellement de films. Tellement de séries. Tous plus ou moins bien fichus, plus ou moins grotesques selon qui s’aventuraient dans ces projets que la critique, snob par devoir, estimait au mieux être des séries B – dont quelques unes gagnaient tout de même, avec le temps, leurs galons artistiques (suivez mon regard vers La nuit des morts vivants ou Soleil vert) – au pire des objets de gaudriole. Après tout, la survie et l’apocalypse ont vite fait de devenir ridicules dès lors qu’elles deviennent elles-mêmes le terreau de caricatures involontaires. Par exemple, mais je peux totalement me tromper et me surprendre moi-même, je m’imagine mal m’improviser chasseur, meurtrier par défaut pour ma propre survie, pisteur, capable de démarrer un feu et, surtout, surtout, déambuler de villes abandonnées en villes abandonnées afin de glaner un peu de vivres.

C’est une histoire de fin du monde, donc, que l’on pensait connaître et que, en réalité, on n’attend pas sur le terrain intimiste qu’elle emprunte. Il faut avouer que, à force de l’avoir éprouvée depuis ces deux dernières années (la fin du monde), il est presque troublant de regarder une série telle que The Last of Us et de la trouver, tiens, oui, allez, osons l’écrire, plausible. Mais probablement faut-il voir dans cette plausibilité ce qui relie Craig Mazin, le showrunner de Chernobyl, à l’oeuvre produite par Naughty Dog (dont PlayStation a vendu des galettes par wagons) et ce qui permet à l’adaptation d’échapper aux caricatures, quand bien même la série n’entend nullement réinventer la roue. A bien des égards, Chernobyl l’était aussi, spectaculaire, puisqu’elle donnait à voir un évènement cauchemardesque sous un angle documentaire impeccablement digéré par la fiction. Portée par une écriture humaniste parfaite, une mise en scène et un propos dénués de tout surlignage, Chernobyl faisait la part belle à des personnages dont l’empathie chez le spectateur était immédiate. Dans le cas de The Last of Us, le fond est identique : le récit s’empare d’une contexte à la fois familier dans la réalité (le changement climatique/une pandémie) et le transpose avec crédibilité dans un univers de fiction et d’action où jamais le spectaculaire ne prendra le pas sur l’intime; ce n’est pas faute, pourtant, de dispenser de scènes gore, effrayantes, absolument grandioses où l’on agrippe fermement le coussin de son canapé (la poursuite nocturne du 1×01 ou cette fusillade crépusculaire du 1×05).

Là où The Last of Us fait mouche, c’est dans cette propension, cette attention, à soigner en peu de traits des personnages qui deviennent authentiques, ne serait-ce que parce qu’ils acquièrent une profondeur et une émotion sur la distance. Sur la durée. Cela apparaitra presque démagogue que de l’énoncer noir sur blanc mais chaque épisode est une leçon d’écriture. Vous me direz que, certes, je n’ai pas joué au jeu : j’avance donc en regard totalement novice. Pour autant, et si tant est que l’adaptation semble aux dires des fans comme très fidèle au matériau original, la série est admirable dans sa capacité – renouvelée- d’acquérir de la force et de la réussite dans sa dimension, on le disait plus haut, intimiste. Car, contre toute attente pour qui serait profane au jeu, The Last of Us est intimiste. Beaucoup, énormément même, la série regorgeant de scènes à deux ou trois personnages et basant presque la dynamique de son récit que sur ce schéma. Le très poignant 1×03 n’est d’ailleurs qu’un drame joué à deux. Et ça marche. Extraordinairement bien même. On pourrait ajouter, encore, le terrifiant 1×08, dans lequel Ellie découvre peu à peu l’âme démoniaque de son geôlier à travers une joute où se cachent des bribes de confidences, de lucidité et d’aveu. Ou du précédent, Left Behind (1×07), se déroulant de nuit, et se consacrant entièrement au moment décisif où Ellie se fait mordre dans un centre commercial, après avoir précisément passée une nuit à papoter avec l’élue de son cœur. Ellie…et Joel, forcément, cœur centrifuge de ce récit qui, on le gardait évidemment pour la fin, évoque fortement les thématiques inhérentes à ce chef-d’œuvre qu’est La Route de Cormac McCarthy. Joel et Ellie, deux âmes égarées, seules, au milieu d’un monde qui ne ressemble plus trop à rien, dont on ne sait s’il peut être réhabilité, sauvé, et pour qui le spectateur s’amourache spontanément. Évidemment que ces deux là se cherchent. S’envoient des vannes intergalactiques au visage. Feignent d’être insensibles alors qu’ils sont tout l’opposé. Évidemment que ces deux là vont apprendre à s’aimer. On se surprend à verser des larmes. A laisser l’émotion gagner du terrain. Joel et Ellie ont beau avoir une cause noble qui les dépasse, on y croit grâce à eux. Parce que c’est eux. Et on les suivra jusqu’au bout.

QUELQUES TRUCS EN PLUS ET EN VRAC

– Je n’ai pas touché un traitre mot sur le casting mais, depuis Pedro Pascal à Bella Ramsey qui crèvent l’écran dans les rôles titres, toute la distribution est superbe.

– Je n’ai pas touché un traitre mot sur la bande son qui clôture chaque épisode mais, d’Agnes Obel à Fleetwood Mac jusqu’à Linda Ronstadt, elle vaut son pesant de cacahouètes. Et la complainte qui sert de thème au show, composée par Gustavo Santaolalla, est parfait.

– L’épisode 9 sera diffusé le 12 mars. Le 13 chez nous. Je pense que ça va faire mal et je n’ai pas envie. Même si le show est d’ores et déjà renouvelé pour une saison 2.

The Last of Us (HBO, 1 saison, 9 épisodes, USA – 2023, toujours en production)

Le site officiel de la série

The Last of Us est diffusée sur Prime Video. (c) HBO.

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