Après avoir été remercié par Disney, puis rappelé in extremis par les mêmes pontes qui l’avaient expédié malhabilement sur le trottoir, James Gunn est de retour derrière la caméra pour orchestrer, comme il se doit, le baroud d’honneur de la bande de trublions les plus attachants de la galaxie Marvel. Ce qui pourrait être une banale anecdote de comptoir pour introniser la critique de ce film est, en réalité, la raison qui fait que la dite série de films fonctionne du tonnerre. Basiquement, Les Gardiens de la Galaxie forment une famille d’apatrides au cœur aussi dézingué et meurtri que possible et pansent leurs blessures et divers traumas, tant bien que mal, entre eux tout en sauvant le monde. Certes, vous allez me dire que l’alchimie du cast est à l’avenant et que, précisément, cette complicité de la bande sur et en dehors des plateaux compte beaucoup pour l’affection que l’on porte aux personnages. Certes. Mais, et vous me voyez venir, Les Gardiens sans James Gunn ne sont pas et ne peuvent pas exister de la même manière que si Marvel et ses dirigeants avaient placé n’importe lequel de leurs techniciens compétents derrière la manœuvre. Preuve en est que les fans ET les acteurs se sont tellement mobilisés que les PDG de la firme aux deux oreilles ont du se rendre à l’évidence : Gunn insuffle à ses héros une humanité si particulière qu’il eut été impossible de les faire incarner différemment ou comme lui ; un peu lorsque NBC avait dégagé Dan Harmon à l’issue de la série Community lors de la saison 4 : il est des choses que l’on ne peut imiter, même avec la meilleure des intentions, sans tomber dans le mauvais pastiche.

Empreint d’une énorme générosité ayant paradoxalement ses limites (on y reviendra en dessous), ce volume 3 fait feu de tout bois et choie la multitude de protagonistes qui habite la pellicule dans ses moindres recoins. En tant que conteur, Gunn a eu tout le loisir et toute la latitude pour peaufiner sa sortie. En adéquation avec un budget plus que confortable, le réalisateur cultive une cocasserie personnelle qui percute l’émotion la plus naïve, donc la plus universelle, tout en jouant avec l’intelligence du spectateur. Comprendre par là que Gunn connaît non seulement les rouages et les mécaniques de tout blockbuster digne de ce nom mais qu’il sait, également, surtout, que le public les connaît aussi. Exit le speech du super méchant. Vous pensiez que le gag se déroulerait de telle sorte ? Point. Vous guettez l’émotion par là, elle arrivera à rebrousse poil et vous cueillera avec la même surprise. Non content donc d’user des règles du grand spectacle à sa guise, d’inclure ses personnages dans une suite de décors tous aussi farfelus les uns que les autres, James Gunn s’adonne aux dernières tribulations des GLG à coeur joie. Et c’est peu de dire que cela est communicatif. Cela donne, la plupart du temps, des merveilles. La première heure, de loin la plus aboutie, enchaîne le grand écart entre le mauvais goût et la tendresse subtile avec une fantaisie tellement iconoclaste dans ce type de productions où tout est légiféré à la microseconde près, que c’en est jubilatoire ; la virée sur l’OrgoCorp -astéroïde organique où toute entrée, ou paroi, ressemble à du tissu humain- est totalement frappadingue. On rit, on s’affole, on se rappelle que, oui, n’importe lequel des membres peut partir à tout moment.
Gunn sait pertinemment que le public connaît toutes les ficelles de ce qui peut paraît cool et de ce qui l’est. Sans jamais, nuance, chercher à le provoquer. Le choix, pertinent une fois de plus, de chaque titre composant la bande son est une parfaite démonstration que le bonhomme ne picore pas dans sa discographie par hasard. Ouvrir par la version acoustique de Creep est une évidence, mais une évidence tellement casse-gueule, tant la chanson est devenue iconique au point que Thom Yorke lui-même ne la supporte plus, qu’en fait, oui, cela marche parce que c’est Gunn et parce que c’est Rocket. Les yeux de Rocket dans lesquels on lit tout. Alors, oui, on le mentionnait plus tôt, le troisième acte patine un peu au vu de tant d’amours et de câlins et d’adieux mais, au final, ce n’est pas si grave. Gunn, pendant que les minutes défilaient, a pris le temps de superposer plein de petites couches de complicités, de balises de répliques qui feront mouche plus tard, bref de patiemment dégoupiller en vue du morceau final. Qui n’est pas celui auquel on pense. Qui est une danse. « Seuls les idiots dansent » clame Drax au début du film. Entretemps, Mantis est passée par là en qualifiant le même Drax d’idiot ; ni plus ni moins qu’une déclaration d’amour à peine voilée (déclaration reprise in fine par Groot dont on entend, enfin, autre chose que sa célèbre réplique). C’est ce que n’a cessé d’être cette série envers tous les marginaux, les bras cassés, les mal-fichus, les monstres, les orphelins et les pirates d’une société à la recherche d’une perfection tacitement totalitaire. Qu’on les aime ces bougres. Avec tous leurs défauts. Ils nous manquent déjà.